Randonnée jusqu'aux Muanenguba Lakes

Publié le par Claire, Fabien & Pierre

Le vendredi fut accueilli avec félicité… La semaine riche et éprouvante s’est achevée autour d’une bière, puis de deux, puis trois – précisons qu’elle répondent au format unique de 65cl – à la bicoque du rond-point, à mi-chemin du bureau et de la maison… Clotilde, Rostand et Alexandre furent nos copains de comptoir, et nous accompagnèrent ensuite à la maison afin d’éponger autour d’un plat de pates qui ne finirent jamais de cuire, faute de gaz. Pierre et Alexandre se dévouent alors pour une mission « poulet en ville » – épique. La soirée – euphorique s’il est besoin de le préciser – se finit tranquillement… Malheureusement, la journée du lendemain, originellement prévue à un repos du genre farniente a changé de programme en cours de soirée : la randonnée du dimanche est décalée… Ce sera lever 6h30 : paupière lourdement fermées sur un esprit embrouillé. Clotilde, pour nous réconcilier avec un samedi beaucoup trop matinal, nous propose un petit déjeuner au café Uccao : omelette au piment et café… (recette à proposer au « réveil-matin-in-in » des inconnus : une citation pour la route, « j’ai beau être matinal, j’ai mal »). Mickaël nous y rejoint.

8h00 et des barouettes, nous voilà sur le chemin de la gare routière – en passant par la boulangerie faire le stock de pain, de vache-qui-ri et de sardines en boites. Nous y retrouvons Emilie qui s’avère parfaitement compétente en négociation : « et tonton, fais-moi le prix ! »… Nous voilà partis, le taxi en configuration réglementaire : le chauffeur au volant, une fille sur le levier de vitesse, une autre contre la portière passager, et quatre derrière – avec l’option « jacky » façon camerounaise : enceinte cramée crachotant du R&B dans nos oreilles suppliciées.

Au bout de la route, notre guide Romuald nous attend pour l’ascension : à ce que l’on avait comprit, une petite marche récompensée d’un environnement magnifique… Sur le caractère éblouissant, nous avons été récompensés ; sur le côté « petite marche », nous avons été trompés ! La montagne se dresse face à nous, enivrante par l’inaccessibilité qui en a préservé la beauté.

Nous cheminons d’abord au pied du mont dans une dense végétation couvrant ses flancs comme des chaussettes retroussées. Etonnante sensation que de vivre ce qu’une fourmi voit dans une expédition au cœur du gazon, repoussant les hautes herbes pour suivre le sillon du chemin. Plus loin, la pente se fait plus abrupte dégageant la vue vers la plaine qui s’étend en dessous de nous. Les grands arbres et les petits chemins transversaux de (vraies) fourmis achèvent de rendre à l’environnement son échelle habituelle. L’effort se fait plus intense, la chaleur matinale aussi, de sorte que l’épiderme expie peu à peu et par grosses gouttes les bières regrettées de la veille. Nos pas nous mènent vers une pente plus douce, plus clairsemée, et un paysage étrangement familier – les alpages ne semblent pas loin. Mais la ressemblance s’arrête soudainement, où émergent quelques cases Bororo – tentes de bois et de paille – et où surgissent les silhouettes de zébus magnifiquement couronnés de grandes cornes évasées. La randonnée se poursuit ouvrant la vision à un plateau accidenté : ça et là divergent des plis de terrain arborés dominés de butes d’herbe brossée. Le chemin se hisse sur une colline, puis plonge sous la couverture de la forêt : entre le vol désordonné de petits papillons noir ou orangés, nous pénétrons dans le sous-bois. La pénombre par endroits est transpercée de rayons éclatants de soleil, frémissants à peine au souffle tiède venant de l’ouest. La piste poursuit insensiblement son trajet. Plongeant le regard dans l’ombre des bas-côtés on y devine, au travers des lianes enchevêtrées, des abysses à n’en pas voir le fond, sans que le chemin ni la frontière entre ciel et forêt ne suggère quelque déclivité. Impassible, la voie se poursuit. Un peu plus loin, gravissant lentement une légère pente, nous émergeons sur un tapis d’herbes au niveau de la canopée… l’océan vert s’étend partout, à la fois figé dans une houle immobile et vibrant de toutes ses facettes agitées. Après avoir replongé sous le manteau tropical, nous déambulons longuement sur le long plateau et sous l’épaisse frondaison, empruntant une piste parmi d’autres à la suite de notre guide.

La semelle de la chaussure gauche de Pierre – déjà en sursis depuis le départ de la randonnée – finit par se désolidariser du cuir. Warior-même-pas-peur continue, un pied chaussé tout-terrain, un pied chaussé d’un sabot.

Quelques efforts plus tard – 3h00 après le départ – la persévérance est récompensée et le lever difficile très vite oublié : devant nous, le panorama d’un volcan inanimé dont les flancs débordant d’une luxuriante forêt s’arc-boutent au-dessus d’un fond herbeux dont les milles reflets de vert frais butent sur les ocres rouges délavés des parois abruptes du cratère. Au centre miroite l’un des deux joyaux – lac jumeaux de Muanenguba – que vient embrasser de douces collines retroussées. Contemplation. Nous poursuivons alors par la descente escarpée, puis par la conciliante promenade au travers la prairie où paissent des troupeaux de zébus en liberté, et suivons enfin, depuis sa naissance, la crête d’où nous apparaissent finalement de part et d’autre les deux étendues d’eau. Lieu magique.

 

Pour m’arrêter sur ce moment de plénitude sans pour autant zapper la fin de l’histoire, en voici l’énumération : Le retour a souffert d’un manque de provision d’eau ; la semelle du sabot de Zozo a tenu juste assez longtemps ; le retour en taxi (le même) s’est fait sur fond de morceaux 90’s ; le temps de prendre une douche (salvatrice), nous filons rejoindre la bonne ambiance du concert et la superbe voix de Charlotte Dipanda ; enfin, nous nous laissons faire par la très bonne cuisine de Joseph ; DODO.

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